lundi 16 novembre 2015

Novembre 2015

Je ne reconnais plus mon pays. Je ne reconnais plus la France de mon enfance.

J'ai grandi à la campagne. Pas la campagne profonde et ses villages moribonds. Non, la campagne autour d'une préfecture, dans un gros village, avec ses deux boulangeries, son église, sa boucherie, le café, et les 2 écoles, la laïque et la catho.

D'ailleurs, ces 2 écoles, c'était la blague, on était pas en classe ensemble, mais on se retrouvait dans les activités autour, la musique, le cathé, la gym, la danse ou le basket pour les filles, le foot pour les garçons. C'était les années 80. On était ceux qui auraient 20 ans en l'an 2000. On célébrait les 200 ans de la Révolution. La liberté, la fraternité. Bon, entre petits blancs de la campagne. Pas vraiment de mixité dans mon école, tous sortis du même moule. Pour la plupart, ni pauvre, ni riche. Des parents qui travaillent, qui partent en vacances avec le CE de leur entreprise. Ce mur qui tombe à la télé, à l'automne 89 sans qu'on comprenne bien ce qu'il signifait.

Collège, début des années 90, Goldmann chante Rouge à la radio dans le car de ramassage scolaire, ces idées trop belles, autant crever pour elles. La mixité au collège un peu, quelques noms qui sonnent comme là-bas, au Sud, mais si peu, gouttes d'eau au milieu des Alexandre, des Émilie, etc.
Berlin en 91, en voyage scolaire, le mur est tombé, mais la frontière reste visible, dans l'architecture, dans les voitures

Lycée, le bac, Malraux et Hugo pour le français. Entre ici Jean Moulin ou serviteurs qui pillent la maison. La mixité a à nouveau disparu. C'est un lycée avec classe prépa scientifique, beaucoup partiront en prépa, en école d'ingénieur, d'autres en BTS. Un lycée de bons élèves, sans problèmes. Les manifs contre le SMIC Jeune font fermer les grilles. Certains participent, surtout pour sêcher les cours. Une bombe saute dans le RER, c'est un voyage scolaire annulé.

Pour moi, pour nous, l'Islam, c'est 2-3 cours d'histoire au collège, rien au lycée.

Études, travail, re-étude, arrivée à Paris. Le choc des visages fermés dans le métro, les couleurs de peau diverses. Les avances d'inconnus dans la rue, le froid (ça caillait vraiment cet hiver-là). Mais aussi les amis, refaire le monde au 1er samedi.

Les migrants font la une.

Et à nouveau, la haine, les armes. Je ne comprends pas. Je ne veux pas comprendre comment on peut en arriver là. J'ai envie de croire, qu'au fond de chacun de nous, on rêve de bisounours et de chatons.

On m'a appris qu'être humain, c'était aimer les autres. On m'a appris que liberté, égalité, fraternité, ça existait vraiment.

Je ne sais plus si je dois le croire

PS - 18h20  : je lis la presse qui rapporte le discours de Hollande à Versailles. État de guerre. Ici, aujourd'hui.
La liberté, la fraternité ont disparu derrière la peur. Heureusement, il y a Twitter, il y a IRC, il y a ces inconnus qui refusent la violence, la guerre. Il y a un humoriste américain qui nous fait sourire malgré la détresse.

J'ai envie de sortir ce soir, d'embrasser des inconnus dans la rue, de leur rouler des pelles et les peloter, de boire, de danser, de chanter, de me forcer à m'amuser, à me lâcher, comme pour dire à ces crétins d'aller se faire voir. Je vais sûrement rentrer sagement chez moi, revenir demain au bureau, avec les militaires à l'entrée, le badge en évidence. Mais une partie de moi aurait préféré sortir

lundi 6 juillet 2015

Grosses épées et fourberies

J'ai découvert aujourd'hui le "Book Fight Club" de Bookeen.

Répondre sur Twitter en 140 caractères était trop court, je n'ai pas de compte Facebook, donc voici :

Les Rois Maudits

Maurice Druon (de l'Académie Française) fut (entre autres) écrivain et on lui doit la fresque historique des Rois Maudits. Même si, comme dit Dumas, on peut violer l'histoire pourvu qu'on lui fasse de beaux enfants, Druon est resté dans cette oeuvre assez respectueux des événements (sûrement plus que Dumas, qui a largement ignoré ce qui ne l’arrangeait pas).
En commençant son cycle avec la chute des Templiers sur ordre de Philippe le Bel, il revisite ensuite toute la fin de la dynastie des capétiens directs et la montée des Valois sur le trône de France (qui n'est pas encore celui de France et de Navarre).
La scène qui rendra ce cycle célèbre est l'exécution de Jacques de Molay, le dernier des maîtres du Temple, et la malédiction (apocryphe) qu'il lance depuis son bûcher, prédisant la mort de ses accusateurs (le roi de France, son chancelier et le pape) et les maudissant jusqu'à la 13e génération. Mais il évoque aussi les événements de la Tour de Nesle (qui avaient déjà servis de trame à Dumas). Les remous de cet adultère princier vont mêler la petite histoire à la grande.
J'ai lu les rois Maudits il y a plus de 10 ans maintenant. J'en garde le souvenir d'une roman intéressant mais long, trop long sur la fin, avec peut-être un manque de souffle épique (si je me souviens bien, j'avais (re)lu les trois mousquetaires juste avant, ce qui peut jouer). Les personnages sont là, mais ils manquent de profondeur, d'humanité. (Je n'ai vu aucune des adaptions télévisées, je suis trop jeune pour celle de 1972, et la bande-annonce de celle de 2005 ne m'a attiré à l'époque).

le Trône de Fer 

D'un autre coté, Georges R R Martin n'est pas un romancier historique ni un académicien. C'est un écrivain de science-fiction et de fantasy, qui a aussi été journaliste et scénariste. C'est également un lecteur de Druon et il reconnait l'inspiration apportée par les Rois Maudits dans le Chant de Glace et de Feu (A Song of Ice and Fire, titre original du cycle, l'éditeur français a nommé la série avec le titre qu'il a donné au 1er tome (le Trône de Fer ) - qui en anglais correspond à la première partie de A Game of Thrones).
Le cycle s'ouvre sur une mort. Ned Stark qui, dans un cycle de fantasy conventionnel, serait le héros, meurt à la fin du premier tome. Les rôles féminins ne sont pas des potiches, ni des éléments de décor même si le rôle des femmes dans cette société médiévale, est dur. Elles sont des reproductrices, destinées à perpétuer la lignée d'un époux qu'elles n'ont pas choisi. Elles sont le prix d'une alliance politique ou des otages assurant la bonne conduite de leur famille. Le pouvoir qu'elles gagnent s'exerce généralement en coulisse, comme conseillères d'un époux, d'un fils ou d'un amant (Daenerys est l'exception). Quand aux personnages masculins, que dire si ce n'est qu'au jeu des trônes, on gagne ou on meurt.
On est loin de la série de fantasy classique. Pas de quête initiatique, pas de chevalier à l'armure étincelante sauvant le monde d'un vil roi-sorcier (et gagnant la main de la princesse au passage). C'est une série sans héros,où les personnages ont tous une part d'ombre et une part de lumière. Et sans doute pour ça, c'est une série terriblement contemporaine et adulte. L'adaptation télévisuelle à ses défauts, elle ne respecte pas toujours les romans (chaque média a son rythme propre)
Par ailleurs, le fait de sortir des contraintes de l'Histoire permet à Martin une bien plus grande liberté dans son roman, même si on sent que les éléments "réalistes" (combats à l'épée, relations entre grandes familles, économies) viennent de bases historiques classiques. Martin reconnait lui-même s'être inspiré (entre autres, et en vrac), non seulement des rois Maudits mais aussi de la guerre des Deux Roses anglaise ou du "Black Dinner" écossais.

Donc, pour moi, le vainqueur est le Trône de Fer de Georges R. R. Martin.

PS: oui, j'aime beaucoup les romans de cape et d'épée, je n'ai découvert la fantasy et la SF qu'après les Trois Mousquetaires

mercredi 1 juillet 2015

Ce que j'ai appris chez les libristes


J'ai appris que l'origine des gens compte.
J'ai appris qu'un pseudo féminin me vaut des propositions indécentes, de la condescendance quand je parle de sujets techniques
J'ai appris que mon anglais parfois approximatif me dessert.
J'ai appris que mes non-compétences en développement seraient retenues contre moi
J'ai appris que en tant que femme, je suis douée pour la comm'
J'ai appris que je ne ferais jamais partie de la bande.

J'ai appris la violence
J'ai appris que les mots font mal, que les menaces, même virtuelles, font peur
J'ai appris que certains sont prêts à en blesser d'autres juste pour des divergences techniques
J'ai appris que les gens qui ont été rejetés choisissent parfois de rejeter les autres

J'ai appris la peur
J'ai appris à choisir les événements en fonction du lieu, de qui vient
J'ai appris à choisir mes vêtements pour les autres et pas pour moi


J'ai appris que l'origine ne compte pas

J'ai appris à respecter les gens, à m'ouvrir vers eux
J'ai appris la tolérance.
J'ai appris que peut importe nos chromosomes, notre couleur de peau, notre histoire, nous sommes tous humains avant tout.
J'ai appris que nous sommes une grande famille, que les liens se tissent au-dessus des continents.


J'ai appris la valeur de l'amitié.
J'ai appris le réconfort d'un merci ou d'une photo de chaton quand on est sur le point de craquer.


PS : J'ai aussi appris à parler anglais et un tas de trucs techniques


mercredi 11 mars 2015

Sons et sentiments


J'aime prendre le train, j'aime les gares.  J'aime le bruit du tableau d'affichage qui se met à jour, en résonnant dans les hall, les annonces au haut-parleur sur les quais, dans le train. 
 J'aime l'odeur du café et des croissants lors des départs matinaux, passer au relais pour prendre une revue à lire pendant le voyage. 
J'aime l'invitation au voyage, les destinations lointaines, le train grande ligne pour Vintimille qui partira voie 4 alors que mon TER partira voie 8. Les voyageurs pour Marseille qui attendent avec ceux pour Bruxelles. Les chats dans les boites de transport sont observés avec émerveillement par les enfants qui partent en vacances ou week-end. Les valises, les gros sacs. 

On repère vite les voyageurs habituels des voyageurs occasionnels. Valise à 2 ou 4 roues, sacoches de PC, journal, livre ou liseuse, billets électroniques, ils s'installent rapidement, efficacement, n'écoutent les annonces que d'une oreille. Les livres ont tous une saveur d'aventure, les musiques se mêlent au crissement des freins et au tchatcha-tchac des roues.



J'aime la voix de la météo marine sur France Inter le soir,, les annonces sur le vent force 3 dans les zones Dogger ou Fisher. (Elle est aujourd'hui réservée aux grandes ondes.) J'aime la respiration qu'apportait ce bulletin dans les longs trajets du soir, le voyage qu'il évoque, même pour quelqu'un qui n'a jamais navigué. Les souvenirs pêle-mêle des romans d'aventure, des films qu'ils ont inspiré flottent dans la mémoire, l'odeur de l'océan sur la plage, les mouettes 



J'aime le bruit du modem 56k en train de synchroniser. Cela me ramène à l'adolescence, à mes premiers pas sur internet (alors sans Google ou Facebook). La liberté que représentait cette fenêtre ouverte sur le monde n'est plus imaginable aujourd'hui. Alors que notre horizon était souvent celui du lycée, de la famille, d'un groupe d'amis, on pouvait entrer en contact avec le monde entier. 


J'aime le générique de Mauvais Genre tard le samedi soir. Les (re)découvertes d'auteurs de science-fiction, de polars, les longues interviews, les critiques de DVD. La passion qu'on entend dans les voix est si loin des promos commerciales des best-sellers dans les émissions de la journée. J'aime l'érudition et l'exhaustivité des commentaires, la passion à faire connaitre des bijoux oubliés. (Si vous me lisez, vous pouvez parler un peu plus de SF / Fantasy et des jeux vidéos ? Et aussi inviter des auteures plus souvent. Je vous adore merci :) )